Bloc-notes – 24/08

Gilles Clavreul - 24 Août 2018

Rentrée
Après un bref répit estival, la rentrée s’annonce compliquée pour le Président Macron et son Gouvernement. Sur le plan politique, même si l’affaire Benalla ne devrait pas connaître de nouveaux développements, elle aura marqué le premier moment de fragilité de l’exécutif – et singulièrement, du Président lui-même – et requinqué provisoirement des oppositions, coalisées pour l’occasion alors qu’elles étaient en panne d’angle d’attaque depuis le début du quinquennat, et qui ont trouvé là un opportun substitut à leur absence de propositions alternatives. Il n’empêche que le Président en sort fragilisé sur des terrains où il s’était plutôt montré à son avantage, le sens du régalien et la gestion de la communication.
Sauf événement particulier, la rentrée politique est dominée par les dossiers économiques et sociaux Or les nouvelles ne sont pas très bonnes : la croissance française, à 0,2% au deuxième trimestre, affiche la plus mauvaise performance de la zone euro, qui elle-même subit un ralentissement global (+0,4%), au moment où l’économie américaine caracole (+1%). Voilà qui complique les arbitrages budgétaires, préparés jusqu’alors sur la base d’une croissance annuelle de 1,8%, qui parait d’ores et déjà hors d’atteinte.
Que faire ? Laisser filer un peu le déficit ou tenir l’objectif volontariste d’un déficit contenu à 2,3% ? Sur le plan budgétaire, tout est possible, mais politiquement, le Président Macron n’a pas vraiment le choix : s’il assouplit un peu son approche budgétaire pour ne pas tailler trop brutalement dans les dépenses, il régalera l’opposition de droite, trop contente de le peindre en héritier des louvoiements supposés du quinquennat précédent, sans pour autant émousser les flèches de La France Insoumise qui surfe sur le thème du « Président des riches ».
Pour rendre ses arbitrages, le Président ne peut se retourner vers un corps électoral constitué : sa force durant la campagne présidentielle a précisément été de fédérer autour de lui différentes catégories, qui ont adhéré à sa proposition politique sans pour autant avoir les mêmes intérêts ni partager les mêmes valeurs. Ayant moins d’assise aujourd’hui, il a cependant plus de liberté, car il n’a pas à proprement parler de clientèle à satisfaire :  mieux vaut donc pour lui garder le cap réformateur, affronter la gauche sur le terrain du réalisme, et renvoyer la droite aux réformes qu’elles n’a jamais osé entreprendre lorsqu’elle était au pouvoir : ce serait une attitude cohérente, dût-il en payer le prix dans ses relations, déjà compliquées, avec les partenaires sociaux, avec les élus locaux, et au sein de la fonction publique, où le feu couve dans de nombreux secteurs.

Ponts
Les catastrophes naturelles nous ramènent à notre vulnérabilité face à la nature et aux mauvais coups du destin. Les catastrophes technologiques nous rappellent quant à elles à notre faiblesse face à l’œuvre des hommes. Les enquêtes diront, rapidement on l’espère, les causes de la tragédie de Gênes et établiront les responsabilités.
Au drame humain et au traumatisme collectif s’ajoutent des conséquences économiques durables qui montrent que la croissance, même à l’heure de la mondialisation et du numérique, reste tributaire des infrastructures physiques, et que ces infrastructures demeurent à leur tour tributaires d’une puissance publique capable de les réaliser et d’en assurer la maintenance et la sécurité. La nouvelle économie n’appelle pas moins d’intervention publique, mais davantage, fût-ce sur des bases nouvelles.
Le nouvel exécutif italien, par la voie du ministre de l’intérieur Matteo Salvini, a immédiatement cherché à exploiter le drame, comme s’il attendait que le peuple lui sache gré d’exprimer sa colère, mais non de prendre les mesures utiles et nécessaires pour secourir, reconstruire et prévenir d’autres catastrophes ailleurs dans le pays. Cela dit, la démagogie a son efficace et Salvini, comme ses jumeaux européens de la nouvelle scène tribunitienne, a encore de beaux jours devant lui. Aux démocrates d’arriver à les contrer.

Tricolores
Il n’est plus guère d’événement collectif qui échappe à une lecture identitaire, faisant la part belle à l’origine, à la religion, voire à la « race », notion qu’on croyait à jamais démonétisée. Ainsi ce que l’on dit et ce que l’on fait est constamment commenté, disséqué, réinterprété d’après ce que l’on est – ou plus exactement ce que l’on est censé être, comme si un être humain pouvait, devait être réduit à sa naissance, à sa couleur de peau, sa nationalité ou encore sa foi. Ainsi, puisque bon sang ne saurait mentir, mauvais sang ment toujours quoi qu’il dise ou fasse.
Ainsi, pour certains, l’équipe de France de football ne pouvait gagner le Mondial de Russie parce qu’elle n’était plus française ; elle courait vers une humiliation certaine, disaient les autres, puisque, cédant aux passions islamophobes, elle se privait de Benzema. Les identitaires espéraient comme toujours, la joie mauvaise de la défaite.
Or, les uns et les autres durent avaler le triomphe imprévu d’une bande de jeunes surdoués qui suivaient comme un seul homme le tonitruant « Vive la République ! » d’Antoine Griezmann.  Rien de moins politicien, rien de plus politique que cette exclamation innocente et sincère : aimer ce qui nous pousse à agir ensemble. On savoure ? Oui, mais pensons à la suite. Comme dit Kylian Mbappé au pied prompt :  « On n’est pas là pour glander ».

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